Le théâtre d'ombres est un Art millénaire, qui occupe une place importante dans l'expression culturelle de nombreux pays, en Asie principalement où il est encore très présent. On connaît tous les marionnettes, les jeux d'ombres qu'on réalise avec les doigts sur un mur, mais qu'est-ce que le "théâtre d'ombres" ?
La marionnette, réduite à deux dimensions, se meut derrière un écran éclairé par des lanternes de lampes à huile suspendues (Chine), des rampes de lanternes à huile et à mèches (Inde), ou une lampe centrale (Java, Turquie, Grèce), qui seront petit à petit supplantées par l'électricité, sauf en Inde et à Java. Selon les légendes, elles étaient en feuilles de palmier, de bananier ou de platane, et placées derrière une feuille de papier.
Plus tard elles seront en carton, cuir, bois ; articulées et fixées à des baguettes que manipule l'acteur chanteur musicien manipulateur. Le théâtre lui-même peut-être des plus rudimentaires, et se placer en pleine campagne, sur une place, devant un temple... Quelques troncs de bambou, quelques tissus et un coffre pour ranger les personnages et instruments de musique.
Appelé " Théâtre d'ombres sous la Lanterne " en Chine, où il s'est
particulièrement développé, il y apparu au IIe millénaire avant J.C. Il semble qu'il aurait été répandu en
Europe grâce à Gangis Khan, qui
appréciait ce genre de spectacle entre deux batailles et faisait suivre
son armée par des troupes de théâtre d'ombres.
Cet art serait arrivé ainsi en Perse, en Arabie, en Turquie, en Egypte puis dans le Sud-Est
Asiatique. En 1617 on le remarque à Marseille et à Paris, en 1776 en Grande-Bretagne.
Paradoxalement, la technique des marionnettes de théâtre d'ombres
s'étend jusqu'à la décoration très sophistiquée des ombres, peinture,
application de tissus colorés, etc... En Chine,
ses personnages étonnants, ses techniques de représentation pleine de
finesse, ses fortes couleurs en font un spectacle qui a toujours été
très apprécié tant dans les campagnes même par les plus nantis,
jusqu'aux cours impériales. Proche de l'opéra, le spectacle est parlé,
chanté, et un petit orchestre l'accompagne (cordes, gong, tambours) ;
les musiciens prêtent aussi leur voix aux personnages. Nourri de
nombreux éléments Bouddhistes et Taoïstes c'est un art
très proche du peuple, qui est aussi à son origine.
A Java,
le théâtre d'ombres est aussi très lié à la religion, et en même temps
profondément rattaché à la vie quotidienne. Traditionnellement les
représentations se font en des circonstances particulières : à
l'occasion d'un mariage, pour célébrer une naissance ou écarter les
esprits malfaisants.
Les marionnettes sont faites en peau de
buffle finement découpé, incisées avec art et peintes. Elles s'animeront
en suite entre les mains du dalang . C'est
lui seul, qui donne vie à tout un spectacle qui peut durer (couramment) 9
heures. Le dalang assume tous les rôles, parfois plusieurs à la fois et
leur prête à tous une voix particulière. Par son savoir et parce qu'il
est l'intermédiaire entre les dieux et les hommes, le dalang est encore
aujourd'hui l'objet d'une grande considération.
Dans plusieurs états du sud de l'Inde, le théâtre d'ombres est essentiellement rattaché à l'Hindouisme et aux grandes épopées, le Mahabarata et le Ramayana (représentés aussi en Indonésie, où ces textes avaient été traduits en Javanais au XIe siècle). Longtemps patronnés par les temples, les marionnettes font partie de la vie religieuse comme la musique, la danse et autres arts. Au Kerala (extrême sud) encore aujourd'hui, un flamboyant pèlerinage réunit des théâtres d'ombres pendant 21 nuits !
Un seul personnage se taille la part du lion en Turquie, de
caractère populaire bien qu'apprécié par toutes les classes : Karagöz. Il aurait été apporté par des Tsiganes venus du nord-ouest de l' Inde et de Java au Xe
siècle, ou par des Juifs chassées d' Espagne et du Portugal aux XVe, et XVIe siècle, ou encore importé d' Egypte
par le sultan Selim 1er au XVIe siècle.
Semblable aux personnages de marionnettes "Punch" en Angleterre et "Kasperl" en
Allemagne, il fait rire mais dénonce le pouvoir, l'hypocrisie et l'injustice
sociale, défend les démunis. En Grèce, seul pays d'Europe où le théâtre d'ombres
s'est implanté, Karagöz a
donné naissance à Karaghiosis, héros populaire qui paradoxalement est
devenu le symbole de la résistance grecque face à l'occupation turque !
D'où
qu'il vienne, le théâtre d'ombres est un formidable moyen d'expression
et de communication, reflet des aspirations du peuple, qu'on parle de
religion, de critique sociale ou tout simplement de rire et de rêve...